La taxe Tobin, souvent évoquée comme une manière de limiter la spéculation sur les marchés financiers et de générer des revenus pour financer divers projets, suscite un débat animé entre ses partisans et ses détracteurs. Pour mieux comprendre ce concept et son potentiel impact, il est essentiel d’examiner les propositions initiales de James Tobin, l’économiste qui a conçu cette idée, ainsi que la variante de la taxe Tobin-Spahn développée par Paul Bernd Spahn.
Les fondements de la taxe Tobin
L’idée derrière la taxe Tobin remonte au début des années 1970, lorsque le système de change fixe de Bretton Woods a été abandonné en faveur du système de taux de change flottant actuel. Face à la volatilité accrue des devises et aux mouvements spéculatifs massifs de capitaux, l’économiste américain James Tobin a proposé en 1972 qu’une taxe soit prélevée sur toutes les opérations de change effectuées dans le marché des changes.
Selon Tobin, une telle taxe aurait deux objectifs principaux :
1. Réduire la spéculation : En rendant les transactions à court terme moins rentables, la taxe découragerait les investisseurs de spéculer sur les fluctuations de change à court terme et stabiliserait ainsi les marchés financiers.
2. Générer des revenus : Les recettes fiscales provenant de la taxe pourraient être utilisées pour financer des projets d’intérêt général, tels que le développement économique et social dans les pays en développement ou la lutte contre le changement climatique.
L’incidence fiscale de la taxe Tobin
L’une des questions clés concernant la taxe Tobin est son incidence fiscale. Autrement dit, qui paierait réellement cette taxe ? Les partisans de la taxe soutiennent qu’elle serait supportée principalement par les investisseurs institutionnels et les banques, qui réalisent une grande partie des transactions sur le marché des changes. En revanche, les détracteurs de la taxe affirment qu’elle serait in fine répercutée sur les consommateurs sous forme de coûts de transaction plus élevés, ce qui pourrait nuire à l’économie mondiale.
La variante Tobin-Spahn
En réponse aux critiques formulées à l’encontre de la taxe Tobin originelle, l’économiste allemand Paul Bernd Spahn a proposé en 1995 une version modifiée de la taxe, qui porte désormais son nom. La taxe Tobin-Spahn prévoit deux niveaux de taxation :
– Un premier niveau, très faible (autour de 0,01 %), serait appliqué de manière constante à toutes les transactions financières sur le marché des changes.
– Un second niveau, beaucoup plus élevé (jusqu’à 50 %), ne serait appliqué que lorsque les fluctuations de change dépassent un certain seuil prédéfini, indiquant ainsi une spéculation excessive.
Selon Spahn, cette approche à deux niveaux permettrait de mieux cibler la spéculation tout en minimisant les effets indésirables sur l’économie mondiale. Toutefois, la mise en place d’une telle taxe soulève des défis techniques et juridiques importants, notamment en ce qui concerne la fixation du seuil de déclenchement du second niveau et la coordination entre les différentes juridictions.

Affectation des recettes de la taxe Tobin-Spahn
Comme pour la taxe Tobin originelle, l’un des principaux arguments en faveur de la taxe Tobin-Spahn est qu’elle pourrait générer des revenus substantiels pouvant être utilisés pour financer divers projets d’intérêt général. Parmi les propositions d’affectation des recettes de la taxe figurent :
– Le financement de programmes de développement économique et social dans les pays en développement
– La lutte contre le changement climatique et la promotion des énergies renouvelables
– La réduction de la dette publique des pays développés
Toutefois, il convient de noter que l’estimation des recettes potentielles de la taxe varie considérablement selon les hypothèses retenues concernant son taux et son incidence fiscale.
Le débat autour de la taxe Tobin
La taxe Tobin, sous ses différentes formes, suscite un débat animé entre ses partisans et ses détracteurs.
Les arguments en faveur de la taxe incluent :
– La réduction de la volatilité et de la spéculation sur les marchés financiers
– La génération de revenus pour financer des projets d’intérêt général
– L’incitation à une allocation plus efficace des capitaux, en privilégiant les investissements à long terme plutôt que les transactions spéculatives à court terme
Les arguments contre la taxe incluent :
– Le risque de répercussion de la taxe sur les consommateurs sous forme de coûts de transaction plus élevés
– Les défis techniques et juridiques liés à la mise en place et à la coordination de la taxe entre les différentes juridictions
– La crainte d’une réduction des volumes de transactions financières, qui pourrait nuire à l’efficacité des marchés financiers
En conclusion, la taxe Tobin représente un outil potentiellement intéressant pour réguler les transactions financières et générer des revenus pour financer des projets d’intérêt général. Cependant, sa mise en œuvre soulève plusieurs questions complexes et controversées, ce qui explique en partie pourquoi elle n’a pas encore été adoptée à l’échelle internationale.