Partager un local entre deux entreprises suscite de nombreuses interrogations, tant sur le plan juridique que pratique. Cette solution, plébiscitée par 37% des TPE françaises selon une étude de la CCI France publiée en janvier 2024, répond à des enjeux économiques majeurs. Mais est-elle légalement envisageable ? Quelles précautions prendre pour éviter les écueils administratifs et fiscaux ? Examinons les aspects légaux et les modalités pratiques de cette cohabitation professionnelle.

Cadre juridique du partage de local commercial en France

La législation française n’interdit pas explicitement à deux entreprises distinctes de partager un même espace professionnel. Cette pratique s’inscrit dans une tendance de fond qui a connu une progression de 28% depuis 2020, portée par l’essor des espaces de coworking et la recherche d’économies.

Le Code de commerce et le Code civil encadrent cette situation sans la prohiber. L’élément déterminant reste la conformité du bail commercial avec l’activité exercée. Le propriétaire doit être informé et donner son accord explicite, généralement par un avenant au contrat initial ou par l’établissement d’un nouveau bail.

Si vous envisagez cette option, vérifiez que la destination des lieux inscrite au bail permet l’activité envisagée. Cette première étape est fondamentale avant d’entreprendre les démarches de création d’entreprise dans un local partagé.

Le règlement de copropriété peut également contenir des clauses restrictives quant à la nature des activités autorisées dans l’immeuble. Une analyse préalable de ce document vous évitera des surprises désagréables et d’éventuels contentieux.

Différentes configurations juridiques pour le partage de locaux

Plusieurs structures juridiques permettent de formaliser la cohabitation de deux entreprises dans un même espace. Chacune présente des avantages et limites qu’il convient d’analyser en fonction de votre situation spécifique.

La sous-location commerciale

Cette option permet au locataire principal de sous-louer une partie des locaux à une autre entreprise. La sous-location nécessite impérativement l’autorisation écrite du bailleur, sans quoi elle pourrait constituer un motif de résiliation du bail principal.

Les points essentiels à réglementer dans une sous-location commerciale sont :

  • La délimitation précise des espaces sous-loués
  • La répartition des charges locatives
  • Les conditions d’utilisation des espaces communs
  • La durée de la sous-location
  • Les modalités de révision du loyer

Le montant du loyer de sous-location ne peut généralement pas excéder celui du bail principal, calculé au prorata de la surface occupée, sauf accord spécifique du bailleur.

La colocation commerciale

Dans ce cas, les deux entreprises sont co-titulaires du bail commercial et partagent l’ensemble des droits et obligations afférents. Cette formule implique une solidarité juridique et financière entre les colocataires, chacun étant tenu au paiement intégral du loyer en cas de défaillance de l’autre.

Un contrat de colocation bien rédigé doit préciser :

Élément contractuelPrécisions nécessaires
Répartition spatialeAttribution des zones privatives et communes
Contribution financièreQuote-part de loyer et charges pour chaque entreprise
ResponsabilitésModalités d’assurance et gestion des sinistres
Gestion quotidienneEntretien, accès, sécurité des locaux

Cette solution offre une sécurité juridique optimale mais exige une relation de confiance solide entre les parties, compte tenu de l’interdépendance qu’elle crée.

La domiciliation commerciale

Option plus légère, la domiciliation permet à une entreprise d’établir son siège social à l’adresse d’une autre entité sans nécessairement y exercer son activité principale. Cette formule convient particulièrement aux différents types de sociétés dont l’activité s’exerce principalement chez les clients.

La domiciliation doit respecter des conditions strictes définies par le Code de commerce, notamment l’établissement d’un contrat spécifique et l’obligation pour le domiciliataire de disposer de locaux adaptés.

Deux entreprises dans un même local : est-ce légalement possible en France ?

Implications fiscales et administratives du partage de local

Au-delà des aspects juridiques, le partage d’un local commercial entraîne des conséquences fiscales et administratives qui méritent attention.

La Direction Générale des Finances Publiques considère chaque entreprise comme une entité distincte au regard de l’impôt. La TVA, l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu restent dus individuellement, sans confusion possible.

En matière de taxe foncière et de CFE (Contribution Foncière des Entreprises), chaque occupant est redevable pour la partie qu’il occupe. Un relevé cadastral précis facilite cette répartition.

Les assurances professionnelles doivent être adaptées à cette situation particulière. Chaque entreprise doit souscrire sa propre assurance responsabilité civile professionnelle, tandis qu’une assurance multirisque pour les locaux peut être commune avec une répartition claire des cotisations.

L’organisation matérielle nécessite également une attention particulière :

  1. Sécurisation des données et respect du RGPD pour chaque entité
  2. Organisation des flux de visiteurs et de la réception du courrier
  3. Gestion des équipements partagés (imprimantes, cuisine, sanitaires)
  4. Établissement d’horaires compatibles si les activités l’exigent

Solutions pratiques pour réussir son partage de local

L’expérience montre que les partages de locaux réussis reposent sur une formalisation rigoureuse des conditions de cohabitation. Un contrat détaillé, idéalement rédigé avec l’assistance d’un juriste spécialisé, prévient de nombreux différends.

La compatibilité des activités exercées constitue un facteur clé de succès. Deux entreprises aux cycles d’activité complémentaires peuvent optimiser l’utilisation des espaces, tandis que des secteurs trop différents risquent de créer des tensions.

Les entreprises partageant une clientèle similaire ou offrant des services complémentaires tirent souvent le meilleur parti de cette cohabitation. Cette synergie commerciale peut même constituer un avantage concurrentiel significatif, comme l’illustre le développement des concept-stores dans le secteur du retail.

La mise en place d’un règlement intérieur commun facilite la gestion quotidienne et prévient les conflits d’usage. Ce document peut aborder la gestion des nuisances sonores, l’utilisation des équipements communs ou les modalités d’accueil des visiteurs.

Enfin, des rencontres régulières entre les dirigeants permettent d’ajuster les modalités pratiques et d’anticiper les évolutions des besoins de chaque structure. Cette communication fluide constitue souvent la clé d’une cohabitation harmonieuse et mutuellement bénéfique.

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